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07/05/2025 | Rédacteur: Épilogue

La présomption de démission fait son entrée dans les prétoires

L’article L 1237-1-1 du Code du travail institue une présomption de démission pour un salarié qui aurait abandonné volontairement son poste, sans justifier de son absence après un délai déterminé par la mise en demeure adressée par l’employeur.

Cette mesure, issue d’une réforme de 2022 en vigueur depuis le 19 avril 2023, limite considérablement la pratique tenant pour un salarié à abandonner son poste de travail pour bénéficier des indemnités chômage à la suite d’un licenciement, seule option offerte aux employeurs confrontés à cette situation jusqu’en 2023.

Pour autant, que se passe-t-il lorsque l’absence du salarié résulte d’une modification unilatérale de ses conditions contractuelles, notamment par une affectation nouvelle imposée sans son accord ? La présomption peut-elle encore jouer dans de telles circonstances ?

Deux interrogations nées d’un litige porté devant le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 21 février 2025, opposant une salariée affectée à un poste dans le secteur de la sécurité, à son employeur qui lui avait imposé une nouvelle affectation sur un autre site à la suite de la perte d’un marché.

La salariée qui contestait cette affectation qu’elle considérait comme une modification unilatérale de son contrat de travail avait refusé de se rendre sur le nouveau site d’affectation, en conséquence de quoi l’entreprise, qui constatait un abandon de poste, l’avait mise en demeure de reprendre le travail, faute de quoi elle serait présumée démissionnaire.

La salariée avait alors répondu que le nouveau site d’affectation étant géré par une société tierce, elle disposait de la possibilité de refuser la mise à disposition, mais l’employeur avait acté la rupture du contrat de travail sur le fondement d’une présomption de démission.

Cette décision est à l’origine de la saisie de la juridiction prud’homale par la salariée, qui sollicitait la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Le Conseil de Prud’hommes de Lyon lui a donné raison considérant qu’elle n’avait pas consenti à la modification de ses conditions de travail, pas plus qu’à la mise à disposition auprès d’un autre employeur.

En l’absence d’avenant à son contrat ou de convention de mise à disposition, la juridiction a considéré que le refus de la salariée de rejoindre le nouveau site constituait un motif légitime de nature à faire échec à la présomption de démission, de sorte que la rupture du contrat de travail devait être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Bien que la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de Lyon soit actuellement susceptible de recours, elle vient illustrer les limites de la présomption de démission issue de la loi de 2022, en rappelant que celle-ci ne peut être retenue qu’à la condition que le salarié ait volontairement cessé d’exécuter ses obligations, en dehors de toute contestation légitime.

Dès lors qu’un employeur modifie unilatéralement le contrat de travail du salarié, notamment en lui imposant une affectation sur un site différent, le refus du salarié d’appliquer ces modifications peut être fondé et opposable à l’entreprise.

Une décision (dont on ignore à ce stade si elle est définitive) qui participe en tout état de cause à la construction de la jurisprudence qui en entoure un dispositif encore récent.

 

 

Référence de la décision : CPH de Lyon du 21 février 2025, n°23/02471

CPH de Lyon du 21 février 2025, n°23/02471