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24/06/2025 | Rédacteur: Épilogue

Peut-on requalifier un contrat à durée indéterminée intérimaire ?

Le contrat à durée indéterminée intérimaire (CDII) vise à offrir une plus grande stabilité aux salariés du travail temporaire tout en répondant aux besoins des entreprises utilisatrices.

Régi par des règles spécifiques, ce contrat ne déroge toutefois pas aux principes fondamentaux du droit du travail, notamment ceux encadrant le recours à l’intérim, en particulier, les articles L 1251-5 et L1251-6 du Code du travail qui prohibent toute mission ayant pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. 

Dans une décision récente, la Cour de cassation a rappelé la portée de ces textes en consacrant la possibilité, pour un salarié en CDII, de solliciter la requalification de ses missions en contrat à durée indéterminée avec l’entreprise utilisatrice lorsque les conditions légales de recours au travail temporaire ne sont pas réunies.

Dans l’affaire concernée, une salariée avait exercé plusieurs missions d’intérim entre avril 2015 et décembre 2015 au sein d’une même entreprise utilisatrice, par l’intermédiaire d’une société de travail temporaire, avant de signer en janvier 2016 un CDII avec l’entreprise de travail temporaire.

Dans le cadre de ce contrat, elle a été mise successivement à disposition de plusieurs entreprises, dont à nouveau la première, jusqu’en mai 2019, avant de poursuivre d’autres missions auprès d’autres structures et d’être licenciée par la société de travail temporaire en novembre 2019.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de ses missions effectuées auprès de l’entreprise utilisatrice initiale en un contrat à durée indéterminée direct avec cette dernière, et a contesté la rupture de la relation de travail.

La Cour d’appel a accueilli sa demande en requalifiant la relation de travail à compter de la première mission, jugeant en conséquence que l’interruption de la collaboration en mai 2019 devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour a également sanctionné l’entreprise de travail temporaire pour le licenciement ultérieur.

Pour fonder sa décision, la juridiction d’appel a retenu que les missions d’intérim initiales n’étaient pas justifiées par un motif légal de recours et devaient donc être requalifiées. Elle a estimé que le CDII ne faisait pas obstacle à une requalification au profit de l’entreprise utilisatrice, les textes applicables ne l’excluant pas expressément. En conséquence, la cessation de la mise à disposition en mai 2019 sans procédure préalable a été assimilée à un licenciement injustifié.

Saisie à son tour, la Cour de cassation confirme la décision prise au fond et affirme que le salarié titulaire d’un CDII peut solliciter la requalification de ses missions en contrat à durée indéterminée de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice lorsque celles-ci ont pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi relevant de l’activité normale et permanente de cette dernière.

La Haute juridiction précise ensuite que, dans une telle hypothèse, la rupture de la relation contractuelle à l’initiative de l’entreprise utilisatrice, en l’absence de procédure de licenciement, s’analyse un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par cette décision, la chambre sociale consacre la possibilité pour un salarié en CDII d’engager une double action à l’encontre, d’une part, de l’entreprise utilisatrice pour requalification du contrat de mission et indemnisation, et, d’autre part, de l’entreprise de travail temporaire en cas de licenciement injustifié, dès lors que les deux contrats reposent sur des fondements distincts.

Un renforcement supplémentaire des droits des intérimaires par le strict encadrement du recours au travail temporaire dans les situations pérennes.

Référence de l’arrêt : Cass. soc du 7 février 2025, n°22-20.258 et 22-20.321

Cass. soc du 7 février 2025, n°22-20.258 et 22-20.321